Parole à ROMAN ABRATE, champion du monde 2012 de Roller, entre autres victoires
Alors pour ce qui est de ma blessure, comment ai-je géré ceci ?
Tout d’abord nous avons pris rapidement les choses en mains suite à ma blessure histoire d’avoir un diagnostic au plus vite ! Je pense qu’il est important de prendre chaque blessure au sérieux sans laisser trainer si l’on veut rester performant dans notre sport. Le docteur Cartier a d’ailleurs été génial puisqu’il ma reçu le lendemain de ma blessure et m’a ainsi programmé une opération du LCA pour la semaine suivante ! Je lui en suis très reconnaissant !
A partir de ce moment là je savais qu’il s’agissait d’une blessure sérieuse et que mon retour sur les rollers ne dépendait en grosse partie plus que de mon sérieux ! Je suis donc parti pour 1 mois en centre de rééducation avec l’optique de me guérir au mieux pour qu’une fois que ceci serait terminé mon genou soit nickel !
Docteur Prothoy : Quels sont selon toi les facteurs décisifs pour ramener un sportif blessé à son plus haut niveau, techniquement et psychologiquement?
Je pense que pour revenir au top niveau il faut déjà commencer par être bien dans sa tête, pour moi tout par de la ! J’ai eu la chance d’être entouré par des gens géniaux qui mon mis en confiance et redonné le sourire. Je me suis rendu compte que finalement ceci n’était qu’une blessure et que ca fait parti du jeu, il faut être fort et s’avoir y faire face. J’ai aussi beaucoup parlé avec des gens à qui ceci est déjà arrivé afin de connaitre leur expérience (c’est d’ailleurs pour ca que je trouve bien cette initiative de faire parler des sportifs comme nous sur ce sujet), et ils m’ont tous rassuré en me disant que ceci ne resterait finalement qu’un souvenir et que maintenant tout irait pour le mieux.
Après pour ce qui est de mes performances, je suis resté dans le milieu du roller afin de garder un œil sur ce que faisait les autres concurrents mais également en gardant un peu ce « feeling » des figures en essayant de me les garder en tète. Et ça m’a d’ailleurs bien servi puisqu’à mon retour sur les skates rien n’avait changé, aucune douleurs du au sérieux de ma rééducation ni aucune perte de repères. C’était comme si j’avais simplement arrêté la veille haha. A partir de ce moment-là j’ai repris les entrainements progressivement afin de ne pas me refaire mal, mais je sais maintenant que je serais de retour dans le top du classement comme auparavant car ma blessure n’a rien changé sur mes capacités physiques mais m’a même rendu plus fort mentalement.
Je pense qu’il est très important de tirer les aspects positifs dans ce genre d’expérience , j’ai rencontré de nouvelles personnes, dont beaucoup de sportifs, cela ma permis de prendre du recul sur mon sport pour revenir différent avec de nouvelles idées, et de reposer mon corps, apprendre à mieux l’écouter ! Je ne regrette pas ce qui est arrivé, ça m’a construit !!
Parole à LAETITIA ROUX, 10 titres de championne du Monde de ski alpinisme entre 2006 et 2014, entre autres victoires
Au moment d'une blessure, je pense que c'est important pour le sportif d'être soutenu et suivi par un médecin et/ou un autre professionnel de la santé en qui l'on a confiance afin de programmer un plan de récupération et de reprise. Le soutien des amis est bien entendu très important aussi. Selon moi le sportif a besoin de savoir clairement les délais de récupération, même s'ils sont longs. Mieux vaut savoir par avance que de découvrir au fur et à mesure des délais qui se rallongent. Le suivi des progrès et les explications concernant la démarche de thérapie permettent de garder la motivation. Le plus important je pense que c'est de garder en point de mire l'objectif sportif qui nous motive et également les performances antérieures, associées aux sensations, à ce qu'il nous fait rêver, aux souvenirs qui nous font sourire quand on y repense, aux sensations que l'on a envie de revivre. Puis, lorsqu'on peut vraiment reprendre l'entraînement et retrouver les sensations, on est un peu comme "en manque", donc généralement la détermination ne fait que grandir et tout s'enchaine.
Parole à MATHIAS WECXSTEEN, champion du monde de ski acrobatique 2002, vice champion du monde en 2003 et 2004, entre autres victoires
En ce qui me concerne ma ligamentoplastie a été l'occasion de faire un point et de me recentrer sur moi même, ce qui au final dans une vie d'athlète de haut niveau n'est pas toujours évident.Je pense que l'on doit accepter de reconstruire non seulement sont genou mais aussi sa personne, de mûrir, d'apprendre a mieux s'écouter pour ré-apprivoiser son corps et sortir grandi de cette expérience.
Il faut des années à un sportif pour arriver au plus haut niveau, finalement quelques mois de rééducation sont un piètre obstacle pour celui qui sait à la fois regarder derrière lui et loin devant lui!
En revanche celui qui ne regarde que cette marche sans tenir compte de la taille de l'escalier pourrai bien trébucher, car comme on le dit dans pas mal de sport: il faut regarder loin pour avoir une bonne trajectoire.
Parole à PIERRE VAULTIER, Champion olympique de Snowboard Cross 2014, vainqueur de la coupe du Monde en 2008, 2010 et 2012, entre autres victoires
Voici quelques lignes issues de mon expérience...L'accident chez le sportif de haut niveau n'est pas un fait irréversible. Dans certains sporst comme le mien (NDLR snowboard cross), la blessure fait intégralement partie du jeu et ponctue relativement densément une carrière. Dès lors que le risque de blessure est intégré il me semble assez logique et spontané de rebondir, comme si soudainement l'objectif n'était plus de performer sur les pistes mais de performer dans la convalescence et la rééducation. Si la rigueur et la méthode sont de mise on assiste très souvent à un "surclassement" post blessure plus ou moins marqué. Pour finir, ce n'est pas la blessure qui nous fait revenir plus fort mais l'engagement et l'investissement que l'on peut mettre dans sa guérison favorisant de manière indéniable le progrès, le recul, la maturité, la structuration psychologique...
Parole à LUC ALPHAND, champion du monde de descente en 1995 1996 1997, entre autres victoires
J’ai été opéré en 1993 d’une rupture du ligament croisé antérieur. J’étais alors en phase ascendante au niveau des résultats, sans pour autant avoir atteint les sommets. L’accident a été perçu comme un arrêt brutal, avec une courte démotivation durant 2 à 3 semaines, puis j’ai rebondi, et un an après l’accident, j’avais retrouvé tout mon potentiel, et j’ai commencé à performer encore plus qu’avant, et à rentrer dans le top 10 en coupe du Monde.
Les facteurs qui me semblent importants pour revenir au plus haut niveau ont été les suivants :
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Une rééducation que j’ai prise aux sérieux dés le début. 50% du résultat opératoire est lié à la qualité du travail effectué en rééducation. J’ai donc fait le maximum.
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L’absence d’incertitude : lors de la blessure, j’avais 28 ans. Ma place en Equipe de France ne faisait aucun doute et je savais exactement où je voulais aller.
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Le retour des bonnes sensations : lors du retour sur les skis à 6 mois post opératoire, bien que j’ai réussi tous les tests rééducatifs, mon ski n’était pas le même. Il m’a fallu quasiment 6 mois ensuite pour retrouver mes complètes capacités, et dés lors, j’ai progressé et même amélioré mes performances avec un retour réussi au plus haut niveau. J’ai même eu mes meilleurs résultats dans les suites de cette blessure.
Commentaires de Marc EYRAUD, psychologue du sport
Un sportif de haut niveau a des capacités physiques souvent hors norme, mais cela est souvent insuffisant pour performer et maintenir son statut de sportif de haut niveau. Il a besoin d’autres choses : capacités techniques, stratégiques, mentales !
Cet ensemble de capacité est orienté par la dimension psychologique. C’est le chef d’orchestre de toutes ces capacités. Nous pouvons parler plus simplement d’un état d’esprit.
Cet état d’esprit influence tous nos comportements. Il influence évidemment la performance sportive, mais également la rééducation après une blessure.
La détermination, la motivation, la volonté mis dans l’entraînement, dans l’hygiène de vie d’un sportif, vont se retrouver dans la rééducation physique après une blessure.
Pierre VAULTIER le dit très bien dans son témoignage : « l'objectif n'était plus de performer sur les pistes mais de performer dans la convalescence et la rééducation ».
Ainsi, l’état d’esprit qui nous anime dans la performance peut être transféré dans la rééducation.
Pour autant, cet état d’esprit, qui s’applique si bien à la performance, peut s’enrailler lors d’une rupture occasionnée par une blessure. Luc ALPHAND nous explique par exemple qu’elle lui a occasionné « une courte démotivation durant 2 à 3 semaines ».
Une blessure est un événement de vie comme nous en vivons tous à chaque instant.
Cet événement peut être perçu comme négatif, mais nous pouvons aussi envisager qu’une blessure amène une plus-value.
La plus-value d’une blessure peut être de différent ordre : repos, liens sociaux, projet scolaire ou professionnel… mais avant tout une blessure est une opportunité pour se recentrer sur soi-même, comme en témoigne Mathias WECXSTEEN.
Attention !
Il est facile de valoriser l’état d’esprit, qui peut se transférer de la performance sportive à la rééducation. Il est facile de valoriser la plus-value apportée par une blessure.
Mais comme nous le signale Roman ABRATE « il faut déjà commencer par être bien dans sa tête ».
Pour cela il est important d’être entouré.
Si la plupart d’entre nous trouvons un équilibre dans notre entourage proche, il n’est pas négligeable « d'être soutenu et suivi par un médecin et/ou un autre professionnel de la santé en qui l'on a confiance » comme en témoigne Laetitia ROUX.
En effet, un professionnel de santé peut vous accompagner durant cette période et vous aider à optimiser le temps imparti par l’éloignement du terrain sportif.
Cela peut être l’occasion de réaliser un travail sur soi. Ce temps offre plusieurs supports de travail : la connaissance de son corps, les sensations, la confiance en soi, l’imagerie mentale, la fixation d’objectif…
Un tel travail vous permettra de ressortir grandi de cette période qui pourra alors être perçue comme une expérience positive.